La vraie vie Adeline Dieudonné Editions l'Iconoclaste
Lecture

« La Vraie Vie », Adeline Dieudonné

Cette semaine, j’ai lu « La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné. Comme j’en ai parlé sur Instagram et Facebook, je n’ai pas voulu priver mes fidèles padawans qui me suivent par mail de cette -brillante- analyse. Adeline Dieudonné, qui est Belge (personne n’est parfait) (ne vous désabonnez pas, par pitié) (je retire ce que j’ai dit), Adeline Dieudonné, donc, a reçu pour ce roman autant de décorations qu’un vétéran de 14-18, ce qui n’est pas peu dire :

  • Prix des Lecteurs des Ecrivains du Sud 2019
  • Festival du premier roman de Chambéry 2019
  • Grand prix des Lectrices de Elle 2019
  • Prix du Roman FNAC 2018
  • Prix des lycéens Renaudot 2018
  • Prix Victor Rossel 2018

C’est déjà pas mal, non ?

Mais comment m’est venue cette idée cocasse,

moi qui passe le plus clair de mon temps à trier des slips et marier des chaussettes, quand je ne sépare pas des belligérants ou fais des essais plus ou moins réussis de batch-cooking ?

Parce que je tentais de soutirer des infos top secrètes auprès de Virginie, blogueuse et écrivaine de vocation et bénéficiant actuellement d’un petit CDD d’épouilleuse pour boucler ses fins de mois (ses fils l’ont engagée, mais chut, ne le dites à personne), sur ses goûts littéraires, afin d’essayer de me hisser à son niveau, et peut-être, de négocier une petite commission sur les ventes de son futur roman. Il me semble que la bougresse lâche du lest. Je me frotte les mains, si elle a le Goncourt, ma fortune est faite.

Et donc, Virginie me dit, « As-tu lu La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné ? » Diantre, non, je n’en ai jamais entendu parler. En ce moment, mes lectures portent plutôt sur la sexualité et les dinosaures (pas la sexualité des dinosaures, hein) selon la taille des enfants qui me préoccupent (±1m10). Alors je me saisis de mon calepin et je note scrupuleusement « Emprunter à la médiathèque La vraie vie d’Adeline Dieudonné parce que Virginie elle a dit que c’était bien et que j’aurai l’air intelligent si je dis que je l’ai lu, mouah ah ah, quel plan diabolique » (Eh oui, mes pensées m’entraînent parfois fort loin).

Ni une, ni deux, je filai dès le lendemain à la médiathèque, escortée de mes fidèles acolytes Chaton et Lapin pour emprunter le susdit bouquin, entre un DVD de Peppa Pig et le 153ème épisode des Mystérieuses Cités d’Or. Une fois les ennemis neutralisés, pardon, je veux dire, une fois les enfants mis au lit, je me suis allongée sur mon lit pour entamer cette lecture.

Mazette.

Je l’ai fini dans la foulée. Impossible de décrocher de cette lecture.

Vivant dans un cabanon au fond des bois sans télévision ni poste TSF, et ayant résilié mes abonnements aux journaux papiers pour ne pas surcharger mon pigeon voyageur des PTT, je ne suis au courant des nouveautés littéraires que deux ans après environ. Je remercie donc Virginie de m’avoir signalé ce roman à temps pour avoir l’air un peu dans le vent quand j’en parle. Je ne la remercie pas, en revanche, d’être responsable de ma nuit écourtée et de mes cernes ce matin.

De quoi que ça cause, La vraie vie d’Adeline Dieudonné ?

Une petite fille vit avec ses parents (le père, une brute qui chasse et collectionne les trophées, adepte des VEO version XXL, la mère, terrorisée, insipide et transparente) et son tendre petit frère adoré dans un lotissement banal et terne. Tous les deux ensemble, ils parviennent à trouver de la douceur et du rêve dans leur vie. Jusqu’au jour où ils sont témoins d’un accident qui les fait basculer dans la sidération. Pour arracher son petit frère à ce vide qui l’aspire, la petite fille va faire des pieds et des mains pour remonter le passé, avec acharnement, et revenir à ces jours de relative insouciance d’avant. Pendant ce temps, elle grandit, le regard de son père sur elle devient de plus en plus hostile, le fossé se creuse entre les membres de cette famille ou ne règnent plus que le silence et la peur.

C’est un roman qui parle de survie.

Survivre psychiquement quand on vit dans la solitude et l’hostilité. Survivre physiquement quand on devient une proie, par son corps de femme devenu désirable et donc, haïssable. Survivre en trouvant des raisons de vivre dans le désir, l’amour, la soif de connaissance. Survivre en cultivant sa pulsion de vie, au lieu de s’abandonner à la mort de l’âme et à l’indifférence.

J’ai aimé l’écriture particulièrement incarnée d’Aline Dieudonné, son immersion dans les sentiments de cette enfant si mûre et qui pourtant ne renonce pas à ses idéaux en dépit de la réalité brutale, crue et apparemment sans espoir de sa vie. J’ai suivi ses péripéties avec avidité, espoir, intérêt. Je n’ai pas pu m’endormir car il me fallait absolument savoir si le désir qui l’habitait allait sauver notre héroïne. Alors seulement, j’ai pu sombrer dans un sommeil réparateur (et néanmoins insuffisant, Lapin étant venu beugler pour réclamer sa pitance à 5h54).

Certains ont décrit ce roman comme drôle et piquant. Je l’ai plutôt trouvé bouleversant et émouvant, car il s’agit avant tout d’un drame vécu par des enfants, à leur hauteur. Bref, un roman frappant, dur, touchant, plein d’humanité. Pas forcément l’humanité la plus jolie, mais l’humanité quand même.

La vraie vie Adeline Dieudonné Editions l'Iconoclaste

Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

27 commentaires

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      C’est relatif à l’enfance, rien que pour cela je pense qu’il t’intéressera !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Oui, sur France Inter il a été soit encensé, soit descendu (et franchement, les critiques négatives étaient assez stupides) Fais-toi donc ton idée toi-même ! bises Marie

  • alinetterunnette

    Ce n’est pas comme si j’avais déjà une dizaine de livres « que-je-veux-absolument-lire-avant-la-fin-de-l’année »….
    Mais ton article donne bougrement envie! Je viens de boucler « Une bête au Paradis » de Cécile Coulon (que j’adore) et qui est dans la même collection, ça ferait une harmonie de jolies couvertures dans ma bibliothèque… (entre « monsieur costaud » et « tchoupi fait du vélo).
    Et puis on me chuchote à l’oreille que mon anniversaire arrive bientôt…

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Ah, je vais regarder Cécile Coulon !
      J’aime bien les romans qui décrivent la dure réalité de la vie, mais il faut quand même un peu d’espérance dedans pour que j’accroche vraiment. Et la Vraie Vie est dans ce cas… Je crois que ta pile à lire va grandir un peu !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Je crois que cela te plairait. Cela te rappellera my absolute darling, avec davantage d’innocence. Après je ne te crois pas, tu n’aimes pas que les histoires atroces ! Tchoupi par exemple, c’est assez soft comme lecture ^^

  • Marcounet

    J’ai dû entendre parle d’elle pour un des prix que tu évoques, mais je ne considère plus l’attribution d’un prix comme un gage de qualité. La Vrai Vie d’Adeline Dieudonné vient donc s’ajouter à ma liste de lectures en cours ou à venir : Sa Majesté des Chats de Werber, (que je lis parce que ça va être le passage obligé entre le précédent qui n’était pas mal et le prochain qui, espérons-le, sera meilleur que celui-ci), Les Veilleurs de Glargh de John Lang (heroic-fantasy en mode n’importe quoi, je suis fan mais je n’oblige personne…), une uchronie sur la conquête de l’Europe par les Incas dont j’ai oublié le titre, présentement dissimulée dans la table de chevet de Ma Dame, une mini encyclopédie sur les mythes religieux (grecs, romains, nordiques, égyptiens, chinois, japonais…) pour combler mes lacunes en la matière, et un recueil de citations vachardes à travers l’histoire que je déguste par petits bouts. Je dois aussi jeter un œil sur un manuscrit de mon frangin qui ne sait pas lui-même s’il veut le publier ou non.

    C’est encore pas cette année que je vais trouver le temps de m’ennuyer …

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Que d’éclectisme dans tes lectures ! Cela ne m’étonne pas de toi. Heureusement, de longues soirées d’hiver au coin du feu se profilent 🙂

  • CéciliAcidulée

    J’aimerais te dire que je vais courir l’acheter mais ce serait pieux mensonge. Non pas que l’ouvrage ne me séduise pas mais le manque de temps ne me laisse pas entrevoir cette possibilité, du moins pas encore…

    • Marcounet

      Le carillon que tu m’as offert, voilà bien longtemps, balotte joyeusement dans le vent qui soufflait encore à 150 km/h au petit matin. La nature s’ agite en tout sens alors que les chats et moi ronronnons chacun dans nos fauteuils respectifs. Je reviens prendre connaissance des nouveaux commentaires et m’extasier encore une fois : réussir à glisser dans la même phrase les mots « sexualité », « dinosaure », « taille » et « enfants » sans passer pour une détraquée, ça demande quand même du talent !! 😀

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Jésus Marie Joseph, j’avais oublié ce carillon ! Je suis touchée qu’il t’ait suivi dans ta lointaine retraite 🙂

  • Maman Lempicka

    Lu! Alors il faudra m’expliquer ce qu’il y a de drôle dans ce roman. Certaines métaphores, et encore, elles nous ramènent tellement rapidement à la réalité des scènes que l’envie de sourire trépasse. Comme je te le disais j’ai trouvé l’histoire très animale dans son sujet et son traitement. J’ai été prise aux tripes aussi pour savoir si et comment l’héroïne allait s’en sortir. Mais le livre ne m’a pas bouleversée. J’ai eu le sentiment de regarder un bon film (un peu comme pour les livres de De Vigan), les mots n’ont pas pénétré en moi comme j’aime qu’ils le fassent! Mais ça m’a plu!!

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci beaucoup Célestine !
      Je découvre également ton blog, du coup, qui me semble receler plein de très jolis textes… Au plaisir de te lire !

  • Ariane

    Je viens de terminer ce roman, en une soirée également : alors, pour le côté drôle, on repassera ! J’ai apprécié le thème fort, l’écriture, les choix de narration, difficile de ne pas se sentir prise aux tripes avec un tel traitement, on ne peut pas le lâcher une fois commencé… Mais ce qu’il me reste de ce livre, une fois la dernière page refermée, est une impression de malaise grandissant, comme je l’ai rarement éprouvée. Je me suis couchée auprès de mon homme déjà endormi remplie de frissons. Je trouve que le côté dérangeant, glauque, à la limite du malsain, l’emporte trop sur le personnage si intéressant de l’héroïne et sur sa relation avec son frère. C’est vraiment lourd comme premier roman ! Je ne dirais pas que je n’ai pas aimé, car ce serait faux. Il marque, c’est indéniable, mais c’est dur à digérer ! Allez, ce soir, c’est Sophie Kinsella : faut se changer les idées !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci Ariane de partager ton avis !
      Oui clairement l’ambiance est angoissante, on sent que l’héroïne est la seule à garder la tête hors de l’eau alors que tous sombrent dans la folie autour d’elle. Malgré cela je trouve le roman assez réaliste, les situations de maltraitance vont en général en s’aggravant avec l’âge et le seul dénouement possible est la rupture sous une forme ou sous une autre (je ne veux pas spoiler pour ceux qui le liraient, donc je reste vague 🙂 )
      si tu as un bon roman feel-good à me conseiller, je suis preneuse !

Je suis sûre que tu as plein de choses à me dire :

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