soirée pyjama
éducation,  marmots

La soirée pyjama

Depuis longtemps, Chaton voulait inviter un copain à une soirée pyjama. Son choix s’est porté sur Roberto.

Roberto, je n’étais pas certaine de le vouloir chez moi toute une soirée, plus une nuit, plus une matinée. Car de ce que j’en savais,  Roberto se rapprochait davantage de la pile électrique que de l’être humain, il faut bien le dire. Mais Chaton m’a dit : “Maman, je te promets, Roberto il est devenu super sage.” J’ai eu une moue dubitative. Les récits de récré me paraissaient toujours mouvementés quand Roberto en était un des personnages principaux, et je l’avais vu à l’œuvre lors des célébrations d’anniversaire de Chaton. “Super sage” n’était pas le qualificatif qui me paraissait le plus approprié, le concernant. Mais Chaton a asséné l’argument final, d’un ton professoral : “En plus, il a été élu délégué de classe.” Voilà qui m’a cloué le bec, et j’ai donc envoyé illico un message à la maman de Roberto pour l’inviter.

Roberto est arrivé un vendredi soir, avec son petit sac en plus de son gros cartable, sa mèche brune sur le front, et ses jambes maigrichonnes de garçon de huit ans. J’ai ramené la petite troupe à la maison, Chaton lui donnait du “mon pote” en lui collant des grandes claques dans le dos et Lapin, surexcité, piaillait en leur tournicotant autour comme un petit moucheron.

La première étape, âprement négociée par Chaton, fut d’aller engraisser cet usurier de buraliste, en achetant des boosters Pokémon. Un par enfant, plus un en bonus pour Chaton, pour une obscure histoire de promesse très ancienne que je lui avais faite, paraît-il, il y a longtemps et que j’aurais, paraît-il, oublié de tenir. “Mais si maman, je te promets que c’est vrai !” me dit-il avec des hochements de tête convaincus et convaincants.

De retour à la maison, je vaquais à mes distractions du soir – préparation du dîner, lancement de lessive, pliage de linge, vidage du lave-vaisselle et autres amusements. Dans un silence solennel, les garçons ouvraient leurs pochettes. J’entendis alors une sorte de râle, comme si l’un d’eux s’était coincé les doigts dans une porte et glapissait de douleur sans pouvoir crier vraiment, le souffle coupé par la souffrance. Mais non, pas du tout. Comme à son habitude, Chaton avait découvert une carte super rare dans son paquet et manifestait par ses grognements une extrême satisfaction. Roberto semblait, lui aussi, parvenu à l’acmé de la félicité et se laissait tomber sur le tapis comme un joueur de foot qui a marqué un but. Et comme à son habitude, Lapin n’eut que des cartes pourries, mais il s’en moquait un peu car ce qu’il aime, c’est ouvrir le paquet. C’est l’instant où, l’enveloppe déchirée, il retire les cartes toutes en même temps, coincées entre son pouce et son index, les sourcils froncés, puis amorce un éventail pour en voir chaque coin. Après, il s’en fiche et les donne à son frère, qui lui, les utilise fructueusement pour des échanges pas très réglos avec des CP innocents ignorant la véritable valeur des cartes. Business is business, même à l’école primaire.

C’était pas tout ça, mais c’est qu’on était vendredi soir et qu’ils avaient tous faim.

Une fois, il y a longtemps, je m’étais fait épingler pour mon menu de soirée pyjama. Poupette avait invité une copine à dormir. J’avais voulu jouer à la mère modèle, et servi un repas équilibré et sain, plus proche du poisson vapeur-brocolis que du burger-frites. La copine avait regardé son assiette, puis Poupette, et lui avait dit : “Moi, ma mère, quand j’ai une copine qui vient à la maison, elle fait des bonnes choses à dîner.” 

J’ai donc bien retenu la leçon, et j’avais mis le paquet sur les bonnes choses : cordon-bleu artisanal, pommes dauphines et glaces. Après tout, qui m’a désignée comme gardienne de l’équilibre diététique des gosses des autres, hein ? Je m’en tape de leurs artères. Tout en mangeant, ils conversaient entre eux. « Pourquoi ta soeur elle est pas là ? Je l’ai jamais vue » demanda Roberto. Chaton lui expliqua que Poupette n’avait pas le même papa que lui, et que ce soir, elle était dans son autre maison. Roberto en fut bouche bée et je vis bien que Chaton était un rien fiérot de cette spécificité qui rehaussait son prestige.

Une fois la glace engloutie, vint le moment du film. Chez nous, le vendredi soir, c’est dessin animé. J’impose une ascèse télévisuelle stricte à mes enfants la semaine, mais le vendredi, c’est relâche. Mes propositions de dessins animés enfantins estampillés TTT par Télérama eurent peu de succès et je dus me rabattre sur les aventures de Paddington l’ourson, le choix de Roberto – qui visiblement malgré ses exploits dans la cour de récréation, n’a pas des goûts de brutasse, bon point pour lui. C’était un peu chiant comme film, il faut bien l’avouer, et devant la mine morne et résignée de Chaton et Lapin, nous avons fini par écourter le visionnage. 

A l’heure de la douche, pendant que je préparais les affaires de Roberto, j’ouvris son sac et trouvais dedans une petite trousse de toilette adorablement mignonne, avec le dentifrice, la brosse à dents, un paquet de mouchoirs neufs et une dosette de doliprane. Et il y avait dans cette minutie et cette anticipation d’un petit rhume ou d’un 38°2 quelque chose qui m’a émue et qui était tout l’amour d’une maman.

Le clou de la soirée pyjama, c’est évidemment de papoter et de rire entre copains, et d’éteindre la lumière assez tard. Chaton et Roberto étaient bien installés au chaud dans leurs petits lits et causaient joueurs de foot ou évolutions Pokemon, je ne sais plus, Lapin avait sombré depuis longtemps dans le sommeil du juste, avec ses joues veloutées et sa respiration calme sur son oreiller fleuri. Je me retirais donc au salon.

Une demi-heure plus tard, Chaton arriva sur la pointe des pieds et chuchota à mon oreille : « Maman, viens, Roberto il va pas très bien. » Roberto était assis sur son lit, il hoquetait et de grosses larmes roulaient sur ses joues. « Sa maman lui manque » me dit Chaton d’un air compatissant. « Eh bien Roberto, c’est la première fois que tu dors ailleurs que chez toi ? » « Non-on-on, c’est la deu-eu-xième » me dit-il en reniflant. Pauvre Roberto, malgré ses airs d’intrépidité, il reste un petit garçon au coeur tendre qui a encore besoin de sa maman le soir pour s’endormir. « Tu vas la revoir ta maman, ça va vite passer, tu vas voir » a ajouté Chaton, plein d’empathie, en lui tapotant gentiment le dos. Nous avons fait des câlins, discuté un moment et amené quelques doudous pour lui tenir compagnie durant cette longue nuit qui le séparait des retrouvailles avec sa mère.

Le lendemain matin, Roberto a retrouvé sa maman, l’air de rien, après avoir survécu à cette épreuve initiatique de la soirée pyjama. Depuis, je vois Roberto d’un autre oeil et j’ai davantage d’affection pour lui. Et puis en vrai, il a été super sage.

 

Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

30 commentaires

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      hi hi, tu vois je l’ai finalement fini plus vite que prévu entre deux galettes ! Merci <3

  • maman délire

    c’est trop mignon…. ça me rappelle des souvenirs aussi. j’ai toujours sélectionné les copains à dormir en fonction du degré de sagitude ! et mon chaton à moi a trouvé un alter ego parfait je dois bien avouer… la 1ere fois qu’il est venu à la maison un après midi, on les a retrouvé avec mon mari devant pronote ( ils étaient en 6eme )… c’est là qu’on s’est dit que ça risquait pas grand chose !!! et ma grande, ma 1ere fois qu’elle est allée dormir chez sa copine à environ 500 m de chez nous, m’avait dit avant de partir : mais du coup ce soir j’aurai pas mon bisou de bonne nuit…
    comme quoi ils en ont très envie des soirées pyjama, mais c’est quand même un peu une épreuve ! mais des souvenirs pour la vie !
    (j’avoue j’ai quand même eu quelques craintes en lisant ton récit que roberto ne déclenche une fièvre dans la soirée, avec ce doliprane glissé dans sa trousse de toilettes, c’était à la limite du suspect !)

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Ecoute, je me suis dit qu’avec juste un petit chagrin, je m’en sortais bien et que c’était largement préférable à une gastro !

  • Virg

    Rhoooo justement je me pose plein de questions sur cette expérience de la soirée pyjama, ma fille de 5 ans me la demande déjà, au secours ! 😉 à partir de quel âge ? Pardon de mon manque de tact mais, clairement, m’occuper du fessier d’un autre enfant que le mien qui ne sait pas encore très bien gérer l’essuyage ne m’inspire aucune volonté, idem pour la douche. Et s’ils ne s’endorment pas, on fait quoi ? On les assomme ? Après, l’idée du vendredi soir est maligne, ils ont toute la semaine derrière eux, normalement ils sont HS.
    Dernier point et pas des moindres, ma fille a un meilleur ami. Et c’est tout. Ils sont connus comme le binôme de choc dans toute la maternelle et au centre. C’est bien mignon tout ça mais du coup, mon mari n’est pas hyper à l’aise à l’idée d’un garçon, une fille en soirée pyjama. Je suis pour ma part partagée d’imposer des limites qui n’existent pas encore dans leur tête mais cette crainte de mon mari ne me paraît pas tout à fait illégitime non plus.

    Tu l’auras compris, on s’est préparé à plein de trucs en décidant d’être parents mais mer… on ne l’avait pas vu venir la soirée pyjama ! 🙂 🙂 🙂

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Alors chez nous la règle est que l’enfant soit autonome pour les toilettes et la douche, je leur amène leur drap de bain et leur pyjama dans la sdb, et ils sortent lavés et habillés. Je ne m’en mêle pas. Donc pas de soirée pyjama avant que ce soit acquis. Certains parents m’ont déjà dit qu’ils n’autorisaient pas que leur enfant dorme à l’extérieur, et je respecte totalement, on est tous très méfiants. J’avoue d’ailleurs que je préfère accueillir un enfant chez moi que laisser partir les miens.
      Pour l’amitié avec un enfant de l’autre sexe, je crois que c’est plus les adultes qui sont réticents que les enfants, et rprojettent sur eux des idées de relations entre adultes. Pour eux, je ne pense pas que ça fasse une grande différence ! Après si c’est stressant pour tout le monde, on peut se contenter d’une après-midi à jouer, c’est déjà très bien (et très long !)

  • Lexie

    Arf, je vois souvent ça comme un marathon de mon côté : tjs peur qu’ils s’ennuient, qu’ils aient peur la nuit, envie de bien faire etc. Ce petit R. me semble être un chouette enfant en tout cas, et un bon ami 🙂

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      en fin de compte je ne prévois aucune activité quand un copain vient, ils se montrent leurs cartes, leurs playmobils, leurs legos, et ça occupe largement la soirée ! Oui Roberto est bien mignon en effet, dans sa version plus calme 🙂

  • Cadou

    Tout mignon … mais j’ai un peu de nostalgie en voyant que la chute de l’histoire était somme toute assez calme : pas la moindre bêtise, pas le plus petit frisson rétrospectif d’avoir échappé à un terrible danger : les enfants grandiraient-ils trop vite et serions -nous pas un peu triste quand ils deviennent enfin raisonnables ? du moins en tant que lecteurs avides de sensations fortes, car en tant que maman, on est trop contents !!

    • AUDREY P

      Je te retrouve, je suis ravie !
      Merci pour ce petit billet plein de tendresse et de sympathie. Ça me donnerait presque envie de céder a la demande de mon grand pour sa soirée pyjama à la maison !!!

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      @Audrey Merci ! Si l’ami est calme, ça vaut le coup d’essayer. Une après-midi de jeu est un bon test : si ça passe, on peut enclencher l’étape d’après !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Ah mais exactement, les bêtises sont drôles à raconter et font de beaux souvenirs, mais moins drôles à vivre ! En quelque sorte, les bêtises c’est bien chez les autres ;-p

  • Miss Zen

    Contente de te relire en version blog. Mais c’est vrai qu’il est mignon tout plein ce Roberto et ton chaton est adorable…. Bon j’ai cru un moment que le Roberto vous avait refilé un sale virus mais ça c’est mon esprit catastrophiste !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      J’avoue avoir préféré un gros chagrin à une gastro, monstre sans coeur que je suis !

  • Anne-P

    Ah ! Ravie de te retrouver, Marie !
    La soirée pyjama, un truc que je n’ai jamais fait quand j’étais enfant… Mais que j’ai accompagné comme parent, avec mon grand déjà… Et avec sa soeur, elle a eu le droit plus jeune, de ce fait…. Aussi, toujours plus à l’aise d’accueillir que de laisser partir…!
    Aujourd’hui, le grand ado ne réclame plus cela, la petite 10 ans en est toujours friande, et accueillir 2 ou 3 copines pour la nuit pour son anni, elle aime…
    Le dernier en date en été, dans la tente montée dans le jardin pour l’occasion, juste pour les 3 filles… Et l’une des trois, Roberto-Like, qui pleure parce que son papa et sa maman – pourtant séparés – lui manquent… Elle a fini par rentrer dormir à l’intérieur… Mal de ventre… « Je veux un Doliprane… » Arf, là… Niet… J’ai senti le psychosomatique à 15 km… Mon travail dans la vie a bien examiné son petit bidon « Rien de grave là dedans, tout est bien normal… J’ai la sensation que le manque te fait mal au ventre… » Gagné… J’y ai mis des mots, mais pas de Doliprane… Et dodo…Dans la chambre mitoyenne à la mienne. La chute… C’est de retrouver les autres filles dormir par terre sur le carrelage du salon le lendemain matin…parce que la soirée pyjama dehors, en plein mois de juillet, dans un jardin super sécurisé mais sans adulte, c’est quand même un peu flippant quand on a 10 ans !!!!! A bon entendeur…. Vive la soirée pyjama et les souvenirs !!!

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Aaah, mais quelle tranche de rigolade pour elles dans 10 ans ! Notre grand (Loulou) a testé la nuit à la belle étoile avec des copains en août : sans risque d’intrusion sur notre terrasse, mais frisquet malgré tout au petit matin ! Ils sont rentrés aussi 🙂

  • Maman Lempicka

    J’aime beaucoup cet article, ta plume est très belle et très tendre, je crois qu’on s’est toutes un peu reconnue dans la maman qui confie, celle qui accueille et ces enfants si heureux de se retrouver dans un autre contexte. J’admire la grandeur d’âme de Roberto qui malgré le manque criant de sa maman, n’a pas demandé à être reconduit dans sa masure. Ici, j’ai déjà dû faire des aller-retours à minuit passé.

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Mon Dieu je compatis, quelle soirée pourrie tu as du passer ! Non heureusement, Roberto a bravement séché ses larmes, après que je l’aie invité, bien entendu, à verbaliser ses émotions ^^

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