amies amitié texte PRGR
Au fil de l'eau,  en vrac,  vie personnelle

Toutes mes amies

Je pense à toutes mes amies, les présentes, les lointaines, les rieuses et les sérieuses,  celles qui sont là et celles qui se sont évanouies dans les allées brumeuses de la vie, emportées par ses mille courants d’air et estompées par les ans. 

Celle que les malentendus ont éloignée.

Celle qui n’était peut-être pas vraiment une amie et que j’ai vu partir sans regret, et parfois même avec soulagement.

Celle qui s’imposait et dont je subissais la présence, l’éxubérance, les manies ou le trop-plein de bavardage.

Celle qui ne parlait jamais que d’elle, toujours, et semblait incapable de s’intéresser à l’amie silencieuse qui lui faisait face; celle-ci disait, en général, « et toi ça va ? » quand debout sur les marches du métro, nous nous séparions en fin de soirée.

Celle dont l’amitié n’aura pas survécu à la fin des études communes, ou du job partagé.

Celle qu’on adorait détester au lycée, petite pimbêche qui en imposait aux timides, aux silencieuses, aux ringardes, aux trop rondes, aux trop vite poussées ou aux pas encore assez femmes; avec sa peau de velours, ses fringues branchées et son sourire arrogant de fille gâtée; celle-ci qui, pourtant, n’a pas toujours eu la vie la plus douce, et dont on reparle, une fois adulte, en disant : « Et elle, tu te souviens ? figure-toi que… »

Celle à qui la vie s’est chargée d’enseigner l’humilité, et que mon coeur d’adulte regarde avec compassion et nostalgie, là où mon coeur d’adolescente savoure une secrète vengeance.

Celle qui s’est éloignée pour une raison que l’on n’a jamais comprise, et dont il ne reste plus comme trace qu’un petit bracelet offert un jour, au fond de ma boîte à bijoux.

Celle dont on est tombée en amitié comme on tombe en amour, avec l’évidence et l’intensité d’un coup de foudre, sauf qu’il dure, encore et encore. Celle à qui on sourit quand son nom s’affiche sur le téléphone.

Celle qu’on a perdue malgré tous nos serments, parce que l’amour rencontré ensuite l’a tenue loin de nous, et qu’entre cet amour et nous, elle a choisi.

Celle dont on garde la trace d’un visage enfantin sur une vieille photo de classe pâlie par les années, dont le prénom-même nous échappe, et reste pourtant obstinément accrochée dans un coin de notre mémoire, pour une partie d’élastique disputée dans la cour de récréation. 

Celle qu’on a retrouvée des années après, alourdie, déformée, rongée par les soucis et presque méconnaissable, et à qui on n’a pas osé parler, avant de s’enfuir, honteuse et bouleversée.

Celle que l’amertume et la jalousie ont éloignée de nous.

Celle que l’on appelle quand on a le coeur lourd, et dont la voix chaude nous revigore l’âme.

Celle qui aura été intensément notre amie pour quelques semaines ou quelques mois, parce qu’à ce moment-là, elle seule pouvait nous comprendre ou nous entendre.

Celle qui est tenue à distance par sa souffrance, par l’enfant ou l’amour qui ne vient pas, et pour laquelle on se sent terriblement impuissante, et presque coupable de notre bonheur.

Celle qu’on a découverte sur le tard, parfois après des années à se cotoyer superficiellement, et qui le jour où l’on a traîné un peu plus longtemps ensemble devant l’école, se révèle parfaitement géniale.

Celle qui est un roc inébranlable.

Celle à qui l’on pense avec affection, souvent, sans le lui dire ni lui écrire.

Celle qu’on ne connait que par son pseudonyme à travers l’écran du téléphone, mais avec qui on parle en toute liberté.

Celle qu’on ne voit qu’une fois par an, comme si on l’avait quittée hier.

Celle qui nous surprend toujours par ses petites attentions parsemées au fil des jours.

Celle qui est notre copine de fête, toujours partante pour un verre et des rires ensemble.

Celle que l’on fuit car elle nous rappelle une sale époque de notre vie.

Celle qui était superficielle et qui est devenue profonde.

Celle qui nous nourrit de ses lectures, ses idées et ses convictions.

Celle qui nous tire vers le haut avec enthousiasme.

Celle que l’on adore consoler, car par contraste notre vie nous paraît soudain moins triste.

Celle qui était notre amie tant qu’elle n’avait personne de mieux pour lui tenir compagnie.

Celle avec qui on accepte de ne partager qu’un aspect de notre vie, et à qui cela convient très bien.

Celle qu’on croise dans un train quelques heures et à qui on confie le plus secret ou le plus douloureux, sans même connaître son nom, avant de ne plus jamais la revoir.

Celle auprès de qui on a honte de s’être épanchée, et qui nous fait nous maudire pour notre manque de discernement.

Celle qui écoute, mais n’aime pas trop se confier.

Celle qui est plus âgée, et nous rassure par la main qu’elle nous tend par delà les années.

Celle qui est plus jeune et nous dynamise de sa fraîcheur.

Celle que l’on connaît d’abord virtuellement, et avec qui on franchit le cap de la rencontre en vrai, le coeur un peu battant, avec parfois la crainte d’être déçue, et parfois la joie de la connivence qui se tisse.

Celle qui est morte trop tôt, laissant l’amitié inachevée.

Celle qui est notre amie tant que nos enfants sont petits, puis avec qui le lien s’estompe.

Et celles que l’on espère garder toujours auprès de soi, quand les enfants envolés, les carrières finies, nous aurons enfin le temps d’aller le prendre chaque semaine, ce café, comme on se l’est promis maintes fois et que nul enfant, nulle contrainte, ne nous empêcheront de passer ensemble cette semaine de vacances prévue il y a des années.

Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

26 commentaires

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Dans plusieurs 😃 et les meilleures, évidemment ! Mais j’avais écrit un texte en pensant à elle, entre autres, qui est publié sur le blog des Fabuleuses ❤️

  • lexieswing

    Ça me parle! Je suis probablement plusieurs d’entre elles, et pas les mieux haha, surtout dans l’adolescence et la période de jeune adulte, quand j’étais suffisamment paumée et centrée sur moi-même pour être indifférente aux sentiments des autres. J’ai des amies qui ressemblent à celles que tu décris, et qui sont multiples par ailleurs, recoupant parfois plusieurs descriptions. C’est une très belle ode à la sororité, ces mots.

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci Lexie 🙂 ce que je trouve fabuleux, c’est de retrouver plus tard des amies qu’on n’aimait pas vraiment durant l’adolescence, et qui se sont transformées adultes. Cela réconforte tellement sur la nature humaine, je trouve !

  • Isabelle

    Très beau texte. Je suis sûrement plusieurs de ces personnages pour mes ami.e.s. Je n’en ai pas autant (j’ai toujours eu peu d’ami.e.s en même temps), mais ce texte me parle et me rappelle cette petite fille en classe avec moi avec sa paire de kickers dont je ne retrouve pas le nom, et cette amie qui n’en est plus une mais avec qui j’ai partagé de bons moments mais aussi des plus difficiles (dont le deuil d’une amitié).

    Encore merci pour ce très beau texte.

    Isabelle

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci Isabelle. Le deuil de l’amitié, un sujet peu abordé et qui le mériterait pourtant, tant il est douloureux <3

  • Péchadre

    Quelle texte magnifique! Je dois bien être dans quelques catégories, tu me diras lorsqu on se verra… Dans tous les cas, je suis heureuse que nous ne nous soyons jamais perdues de vue ces 30 dernières années!😘

  • Chloé

    Je n’ai pas trop le réflexe de laisser des commentaires je l’avoue… Mais ce texte est tellement beau et vrai 💕 merci beaucoup

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Que ça me fait plaisir qu’une lectrice finisse par déposer son petit commentaire ici ! merci !

  • Stéphanie

    Texte qui vient me chercher dans l’actuel, alors 1ère fois que je commente même si je lis tes billets depuis longtemps;
    Une de mes amies est en passe de s’en aller, pour de bon, diagnostic tardif, évolution foudroyante… Alors moi aussi, je pense à mes amies, toutes mes amies, …et je suis profondément reconnaissante à celles qui sont en pleine forme, de l’être…

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Que c’est difficile de vivre cette séparation inéluctable. Je vous souhaite à toutes les deux de faire provision de beaux souvenirs à garder précieusement dans un coin de vos coeurs.

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci ma chère, en effet certaines histoires d’amitié méritent les oubliettes !

  • Helene

    Texte magnifique, me voilà en larmes de beau matin à penser à toutes ces amies croisées au cours de ma vie, moi qui ai tellement de mal avec l’amitié parce que j’ai l’impression que je ne suis dans le « top » de personne. Ça me donne aussi envie d’écrire dans mon carnet un texte sur le même modèle.

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Merci beaucoup Hélène ! Je comprends ce sentiment. Et pourtant, il m’arrive très régulièrement de penser à des personnes que j’ai connues il y a longtemps sans jamais les revoir. Elles ont une place dans ma vie. Alors, qui sait si nous ne sommes pas dans le top de quelqu’un, malgré tout ? qui n’ose pas le dire ?

  • แลกไลค์ฟรี

    พิ่ม Impression (การมองเห็น) จาก User มากขึ้น บางคนอาจคิดว่าแค่มีโปรโฟล์ มีเพจใน Facebook แล้วลูกค้าจะเข้ามาสนใจสินค้าเองก็มีโอกาสเป็นไปได้อยู่บ้าง ปั้มไลค์เฟสแต่คงจะดีกว่าหากคุณมีใช้บริการ ปั้มไลค์เฟส นอกจากจะช่วย ปั้มไลค์ ให้คุณมียอดไลค์ล้นหลามแล้ว ยังเพิ่มการมองเห็นทำให้ลูกค้าเกิดความสนใจเข้ามาซื้อสินค้ามากกว่าเดิม ทำให้มี Reliable (มีความน่าเชื่อถือ) ในการนำเสนอสินค้า หากคุณเพิ่งมีหน้าร้านออนไลน์อย่าง

Je suis sûre que tu as plein de choses à me dire :

En savoir plus sur Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading