Congé parental : la grande hypocrisie
Ces dernières années il a beaucoup été question du partage du congé parental entre les 2 parents.
Pour un premier enfant, pas de grand changement : auparavant le congé était de 6 mois, il peut désormais aller jusqu’à 12 mois à condition que ce soit le 2e parent qui prenne le second semestre.
En revanche, pour les parents d’au moins deux enfants, le changement est bien réel : le congé pouvait auparavant aller jusqu’à 3 ans. Désormais, il sera de 3 ans MAIS 24 mois au maximum pour le premier parent (en général la mère), et 12 mois au minimum pour le deuxième parent (en général le père).
Que veut-ce dire, mes chers amis ?
Naturellement, que l’Etat va économiser 1/3 des indemnités des congés parentaux, ce qui est un budget considérable.
En effet, à moins de ne pas savoir compter (mais les hauts fonctionnaires savent-ils compter ?) ou de vivre sur la lune (on se le demande), nul ne peut ignorer que, pour tout un tas de raisons plus ou moins valables mais bien réelles, que l’on ne développera pas dans cet article, c’est dans la très grande majorité des cas le père qui est le pourvoyeur du plus gros revenu du foyer.
Prenons un cas pratique :
Monsieur gagne 2200€. Madame gagne 1400€. Ils viennent d’avoir leur 2e enfant. Ils perçoivent 129.86€ d’allocations familiales, soit un revenu familial de 3730 € (j’ai arrondi). Madame prend un congé parental de 24 mois. Ils serrent les dents et les fesses, Monsieur gagne toujours 2200€ par mois, et Madame reçoit l’indemnité PRePaRe d’un montant royal de … 392.09€, soit une perte de 1400-392.09 = 1007.91€ tout de même (27 % de perte du revenu familial). Mais bon ! Entre le tarif de la nounou ou de la crèche, les impôts, les frais de déplacement pour aller au travail… Ce n’est pas facile mais on fait l’effort (surtout si on n’a pas trouvé de nounou).
24 mois plus tard, Madame doit reprendre le travail (si elle avait la chance d’être en CDI), bambin 2 ne va pas encore à l’école, et Monsieur se dit : Yes we can ! Pourquoi pas moi ? Un an avec mon petitou, ça serait chouette.
Recalcul : 2200€-392.09€ = 1807.91€ de perte de revenu ! Soit une modique diminution du revenu familial de 48 % (faut suivre, hein).
Comment ça bande de clowns, vous n’êtes pas capables d’encaisser une perte de revenus de 48 % ?
Ah ben zut, je crois bien que ça ne va pas être possible, même en serrant les fesses à fond. A moins que mon propriétaire/ma banque, sympa, me fasse une ch’tite ristourne sur mon loyer/mon crédit ? Ah non ?
Bon ben zut alors, tant pis, je ne vais pas pouvoir prendre mon congé parental. Zut de zut, l’Etat était pourtant trop sympa de me le proposer à des conditions aussi mirobolantes. On va s’arrêter à 24 mois de congé parental, au lieu de 3 ans avant. C’est bien dommage, c’est bien galère, mais on n’a pas le choix.
Mais au moins, l’Etat, magnanime et veillant à l’égalité entre les femmes et les hommes, aura la conscience tranquille et la tête haute, et vous, vous vous serez bien faits entuber, comme souvent.
Aussi, vous n’avez qu’à gagner plus. C’est de votre faute.
Sérieusement, que veut vraiment notre société ?
Favoriser réellement l’égalité hommes-femmes ? J’en doute.
Si cela était une réelle ambition politique, le congé parental serait décemment indemnisé –comme cela se fait en Norvège que l’on nous sert à toutes les sauces (1)- afin que chaque parent puisse en profiter et que ce choix soit viable financièrement pour la famille. En dehors des familles à très haut revenu où la perte d’un salaire peut être relativement indolore, ou les familles à très faible revenu, où la différence entre l’indemnité et le salaire est moindre, je ne vois pas qui peut prendre un congé parental. Mais c’est sans doute parce que je n’ai pas fait l’ENA.
Si cela était une réelle ambition politique, on s’attaquerait d’abord à établir une vraie égalité salariale entre les femmes et les hommes ; on s’attacherait à valoriser les compétences développées par les mères de famille, au lieu de considérer le congé maternité comme une catastrophique sortie de route de carrière (Pensez-vous ! pour une femme avec 2 enfants, on parle quand même d’une durée faramineuse de 32 semaines, soit 0.615 an de congé maternité, pour une vie professionnelle de 43 ans (2) ! ce qui fait 1.43% de leur carrière ! C’est con-si-dé-rable) ; On faciliterait la vie aux pères, pour qu’ils puissent davantage prendre leur place dans la vie de famille ; On sortirait de la culture du présentéisme au travail, qui n’est aucunement un gage d’efficacité, parfois bien au contraire.
Et ce jour-là, les pères pourront, sereinement, davantage s’occuper avec bonheur de leurs enfants. Les deux parents pourront faire un choix, qui ne sera pas dicté uniquement par des raisons pécuniaires mais par une réflexion globale sur le bien-être de chaque membre de la famille.
(2) pour les personnes nées après 1973
Elles en disent quoi les copines ?
Virginie de Ne le dites à personne : Ce que le congé parental m’a fait perdre