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La lessive transcendentale – Voyage à Gastroland

« Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. » C’est par cette citation de Sartre, célèbre spécialiste de la petite enfance et auteur de cet ouvrage remarquable de puériculture (Les mains sales), que je débuterai.

Janvier et Février, les mois de la galette des rois, des crêpes de la Chandeleur, du vomi et de la diarrhée. Toutes choses dont le résultat est, en général, un rond de couleur jaune aux bords irréguliers.

Oui, je sais, c’est dégueu. Mais la vie n’est-elle pas dégueu ?

Non, non et non, être parent n’est pas que sourire tendrement à un poupon joufflu et rosé, fleurant bon le lait de toilette, dans un rayon de soleil joliment flouté à la David Hamilton.

C’est aussi moucher des nez morveux, essuyer des fesses sales, et marcher dans la diarrhée de votre petit chéri, la nuit, quand il n’a pas eu le temps d’atteindre les toilettes à temps. C’est désinfecter la baignoire quatre fois de suite car une explosion fessière impromptue a tout repeint (et GRDF – urgence gaz n’intervient pas dans ce type de situation). C’est enchaîner les lessives spécial-vomi, car le magret de canard n’a visiblement pas réussi à l’estomac chichiteux du petit (le sale ingrat).

Quand cela m’arrive, je tente de me consoler en me disant que ces cadeaux colorés laissés par mes enfants ne sont, après tout, que des aliments transformés. Comme tous ceux qui sont vendus en barquettes dans les supermarchés.  Donc ce n’est pas vraiment sale. Sans doute même vaut-il mieux nettoyer le mignon caca de son petit chéri, que manger des plats cuisinés à la Tricatel.

Et puis, comme toute les relations, celle avec son enfant comporte ses voyages au septième ciel parental plein de guilis et de bisous, et ses retours brutaux sur terre. C’est  comme la vie de couple : de l’amour, de l’amour, certes, mais aussi des cheveux dans la douche, et des chaussettes sur le parquet. C’est aussi comme l’accouchement, qui (sauf dans les vidéos de grosses menteuses qui accouchent en nuisette tout en chantonnant sans péridurale) n’est pas que romantique et esthétique.

Car un bisou, c’est adorable, mais un bisou tartiné de compote baveuse, moins. Des caresses de petites mains dans vos cheveux, c’est charmant, mais quand elles viennent de s’extraire un lombric des narines, moins. Et oui ! c’est le lot de l’humanité, la bonne humanité tranquille, bien droite dans ses bottes glaiseuses.

(Je fais une parenthèse pseudo-théologique, histoire de me la péter un peu : en hébreu, Adam signifie « fait de terre rouge », il est parfois traduit par « le glébeux » chez Chouraqui, des termes qui évoquent une substance collante, grasse, compacte : tous ce que nos enfants nous tartinent sur la figure à longueur d’année. D’ici à ce que les crottes de nez aient un fondement théologique… fin de la parenthèse)

Bref, où en étais-je ? Parfois, j’aimerais un peu plus de glamour dans ma vie familiale. Une brochette de petits Le Quesnoy bien proprets et bien peignés, en robe de chambre écossaise croisée avec soin sur leur poitrine. Mais non ! Hier soir encore, ils ont postillonné des grains de riz partout autour d’eux. Ils se sont assis dedans et sont ensuite repartis dans leur chambre avec, sur leur postérieur, des constellations entières incrustées dans le pyjama.

Ne reste qu’à accepter que ce soit cela, la vie : ce mélange de crado et de merveilleux, de pégueux et d’affectueux. Mes enfants sont de petits êtres humains bien ancrés dans le sol, pas des séraphins éthérés, grâce à Dieu ! C’est ainsi que je les aime : même dans leur caca et leur vomi, pas jusqu’aux coudes mais presque. Quand je râle de les voir bien sales et bien morveux, je me souviens de l’immense chance que j’ai de les avoir tous, grands et petits,  en bonne santé, terriblement vivants, et cela me donne du coeur à la lessive.

Je vous laisse, mon lave-linge vient de bipper et m’invite à transcender mon amour maternel. <3

 

 

Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

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