vie personnelle

Mon shopping sans prise de tête

La semaine dernière, je me suis offert une petite virée shopping. Il faut dire que les grands étaient en vacances, les petits en semi-vacances et moi, en pré-vacances. En fin d’après-midi, j’ai donc posé un acte féministe militant : je me suis dirigée vers Monoprix, avec en tête le secret projet d’y trouver des lunettes de soleil qui m’évitent de cassez mon PEL (vide, d’ailleurs) en achetant la paire de Ray-Ban sur laquelle je salive depuis des mois. Monoprix, temple de perdition pour les working-mums qui sortent du boulot.

Cela n’a l’air de rien comme cela,

Mais en fait le processus qui m’a menée chez Monoprix a été infiniment plus complexe qu’il n’y paraît. Pour y parvenir, il a d’abord fallu que je fasse taire en moi la culpabilité naissante qui me susurrait à l’oreille de rester au travail jusqu’au dernier instant, dans l’air chaud brassé par le ventilateur poussif, même si j’avais fini tout ce que j’avais à faire. Avais-je vraiment le droit de partir 28 minutes plus tôt que d’habitude ? N’était-ce pas malhonnête vis-à-vis de mon employeur ? En même temps, quelle était l’utilité pour la France et pour la société que je fisse du présentéisme et que je restasse 27 minutes (Et oui, l’heure tourne) à tapoter sur mon clavier ?

Je pris donc courageusement la décision de partir.

Une fois installée au volant, le doute me reprit : Était-ce licite d’utiliser ces 27 minutes de rab pour mon égoïste bénéfice personnel ? Ou me fallait-il retourner illico presto à la maison pour aller chercher les enfants 27 minutes plus tôt ? Les extraire du centre de loisirs et de la crèche, où ils m’attendraient, accrochés à la grille d’entrée (c’est faux), avec le regard mélancolique de l’orang-outan du jardin de Plantes (c’est faux), pour voir leurs visages s’éclairer et leurs petites jambes courir vers moi (c’est faux) ?

Un peu de réflexion me permit de maîtriser mes émotions maternelles parfois promptes à s’emballer. Je m’en fus donc à Monoprix.

Les jours où je vais faire du shopping chez Monoprix, c’est la fête.

Monoprix, c’est le paradis pour une femme de mon âge, et aussi pour les petites mamies à cheveux violets. Chez Monoprix, il y a des blouses en joli coton imprimé, des sandalettes originales, des foulards bigarrés, des paniers so chic, des centaines de flacons de vernis à ongles de toutes les couleurs que je ne mettrai jamais puisque je rachète toujours le même carmin foncé, une infinité de rouges à lèvres que je n’utiliserai pas puisque je le mange toujours dès que je l’ai posé et plein d’autres choses merveilleuses, des cartes, des livres, des pochettes de feutres, des carnets, des tasses et des bougeoirs. La caverne d’Ali-Baba, en mieux rangé et sans les quarante voleurs.

Arrivée chez Monoprix, forte de 27 minutes de bonus-temps, je me dis : tiens ! Et pourquoi je ne m’achèterais pas des bijoux ? J’ai pourtant de nombreuses et excellentes raisons de m’en offrir quelques-uns :

1/ Je viens d’être payée et ne suis donc pas (encore) à découvert, cela se fête !

2/ Cela fait à peu de choses près 437 jours que mon cher époux ne m’a pas offert de bijoux. Remettons un peu d’ordre et de justice dans notre couple.

3/ Franchement, si je bosse, n’est-ce pas pour être indépendante financièrement et m’offrir quelques babioles, moi qui n’ai pas hésité, dernièrement, à donner mon canelé à la copine de Poupette, qui se trouvait malheureusement là à l’heure du goûter, alors qu’il n’y avait que 4 canelés, que nous étions 5 et que c’est mon gâteau préféré ? Certes cela n’a rien à voir mais quand même, j’ai bien mérité une petite compensation (même si j’ai réussi à soutirer le sien, au bout d’une bouchée, à Lapin qui était parti jouer dehors. Gloups !)

4/ Il y a-t-il vraiment besoin de raisons sérieuses pour s’acheter des bijoux chez Monoprix (Ou ailleurs, si j’en avais les moyens, comme par exemple autour d’une belle place carrée parisienne ornée d’une grande colonne sculptée en son milieu qui n’en est pas le plus joli ornement, loin s’en faut) ?

Trêve de tergiversations, de grands sautoirs, justement, me faisaient de l’œil.

Je les essayais et m’évaluais dans le petit miroir. Je me serais bien laissée tenter, mais… Est-ce que ça m’ira ? Est-ce mon style ? Non, pas vraiment, cela fait un peu fille qui se la joue, c’est trop doré, trop clinquant, trop voyant, trop joli, trop tout. Moi je suis discrète, on va trop me voir, j’aurai l’air déguisée, je n’ai pas le look assuré de la fille à qui un sautoir pareil pourrait convenir. Non mais, attendez, il ne faudrait quand même pas qu’on me remarque dans la rue ! Ohé, je ne suis pas folle non plus. Il me manque un stage d’affirmation de soi pour oser porter ce type de sautoir. Un stage d’excentricité, ce serait encore mieux. Un truc avec Christina Cordula, mais qui serait la fille cachée de Freud. Les sautoirs sont visiblement un peu trop complexes pour ma psychologie. Et puis il faudrait que je refasse ma garde-robe pour avoir des vêtements qui aillent avec mes sautoirs, alors qu’ils sont censés être les accessoires, et non l’inverse. De toute façon, je n’ai pas une tête à sautoir. Comment font les femmes qui parviennent à porter des sautoirs ?

Tournons-nous donc vers quelque chose de plus petit (12 minutes se sont déjà écoulées) : des boucles d’oreilles. Ça devrait être moins difficile.

Ah ! Celles-là, elles sont trop chouettes !!! J’adore, j’ai vraiment trouvé ce que j’aimais. Mais… Est-ce qu’elles ne ressemblent pas à celles de cette fille trop cool et stylée et trop bien dans ses baskets jaunes, que je suis sur Instagram, Facebook, Internet, et tout ce que le monde a créé de réseaux sociaux ? Si, elles y ressemblent. Carrément même. Tout le monde va penser que j’ai pompé sur elle, on va croire que je n’ai pas de personnalité, que je suis une follower et pas une leader. Ça craint. En même temps, c’est pas faux. Et puis quoi, il n’y a pas de mal à rendre hommage au bon goût des autres personnes. Allez hop, personne ne le saura, je ferai semblant que je ne les avais jamais vues sur elle et si jamais je la croise, je lui dirais « Aaaah, c’est diiiiingue ! regarde, on a presque les mêmes boucles d’oreilles ! Tu les as achetées à Monoprix ? » Ça passera comme une lettre à la poste. Et j’en prends une deuxième paire, romantique et sage, qui fait mère de famille, mais pas trop, originale mais pas trop, juste ce qu’il faut. 

Restent les lunettes de soleil,

Car à la base, c’est quand même pour cela que je venais. Les lunettes mouches sont trop grandes pour mon visage. Et puis je ressemblerai à une pseudo-starlette de banlieue. Les lunettes rondes cerclées me donnent l’air d’un flic maoïste infiltré pour surveiller les clientes suspectes du Monoprix. C’est curieux, sur les autres, ça leur donne l’air de John Lennon. Mais pas sur moi. Les lunettes aviateurs, ben… j’adore les aviateurs, surtout les pilotes de chasse, mais pas leurs lunettes. Celles-ci ne sont pas assez stylées, celles-là trop classiques, celles-ci encore trop excentriques, celles-là trop banales (Plus que 9 minutes restantes).

Bref, après avoir essayé à peu près toutes les lunettes du présentoir, j’arrive à resserrer mon choix sur deux modèles : deux montures à écailles, l’une mate, l’autre polie. J’en étais presque à aller demander à l’hôtesse de caisse de choisir pour moi, mais je décide finalement dans un sursaut d’affirmation de moi-même, de prendre la paire mate. Youhouh, des lunettes à monture en écaille mate ! Quelle puissante originalité, voilà qui va me sortir du lot, et me permettre d’affirmer mon style avec force !

Plus que 2 minutes, vite vite à la caisse. Dans la voiture, lunettes sur la tête, je mets mes boucles d’oreilles tant bien que mal et je repars.

 

Voilà, retour à la maison après avoir récupéré la petite troupe gesticulante.

J’ouvre la porte. Poupette arrive, sourire aux lèvres. Sourire qui s’évanouit quand elle me regarde.

-« Tu t’es acheté des nouvelles boucles d’oreilles ? » me dit-elle d’une voix sépulcrale.

-« Oui, pourquoi, elles sont moches ? » demandais-je angoissée. Aurais-je fait tout cela pour rien ? Si ça se trouve, je me suis complètement plantée dans mon choix, même ma fille ado le remarque au premier coup d’oeil, je suis vraiment une handicapée du shopping, encore 39.95€ dépensés en pure perte, j’aurais mieux fait de…

-« Elles sont trop belles » me répond-elle d’un air tragique, « C’est pas juste », et elle tourne les talons pour aller s’enfermer dans sa chambre, de déception.

Ouf ! tout va bien, ma fille est verte de jalousie. C’est l’indice irréfutable que mon shopping chez Monoprix est une réussite magistrale. Je me sens toute guillerette, débordante d’amour envers mes rejetons boudeurs ou tonitruants, et fredonne dans ma cuisine en commençant la cuisson des savoureuses coquillettes du soir. Et c’est dans la joie, la paix et l’harmonie retrouvées que nous avons conclu cette journée, tandis qu’un chœur d’angéliques licornes fredonnait dans la douceur du soir.

FIN

La morale de ce shopping,

C’est qu’il faut de temps en temps, se consacrer un petit moment à soi, où l’on ne dépense pas un kopeck pour les enfants, pas même pour une sucette. Tout pour moi. Une mère frustrée est une mère agressive. Une mère agressive ne peut pratiquer une éducation bienveillante. Donc pour être bienveillante envers ses enfants, il faut absolument faire du shopping, CQFD. Je m’y obligerai donc, par amour pour eux (et un peu pour moi aussi).

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Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

12 commentaires

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Il ne faut pas hésiter à regarder en face, sans rougir, nos qualités de mère !

  • Maman Lempicka

    Je te rejoins cette fois totalement, et même éperdument. Ce mélange de culpabilité, de perdition morale, d’errance stylistique, et puis cette chute! Il faudra remercier ta fille d’avoir ajouté la touche finale de perversité joyeuse à cette folle virée de 27 Minutes!

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Tu sais que je me questionne encore pour les sautoirs. Je me vois y retourner, pour les ré-essayer, et dans mes rêves les plus fous, les acheter…

    • Maman Lempicka

      Je comprends tes doutes car comme toi, je ne suis pas du tout « colliers » et dès que j’en mets un j’ai l’impression de me transformer en sapin de Noël. En revanche je surkiffe les boucles d’oreilles. Tout ça pour conclure sur le fait que si ça torture à ce point ton moi, ton surmoi et ton ça, vas-y, lance-toi et au pire tu le refourgueras à ta fille 😄

  • Maman BCBG

    Pseudo-starlette de banlieue … ! Krrkrrrkrrrr…. j’adore !
    J’étais dans la même incertitude psychologique que toi avec les sautoirs, et puis on m’en a offert un Noël dernier… il a bien fallu que j’apprivoise la bête.

    Et bien en fait ça ne fait pas si dévergondé et original que ça comme collier.
    Bon tout le monde au boulot a cru que j’avais mis ma médaille de baptême sur une chaîne XXL mais sinon, top !

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Aaaah ! Connaissant ta BCBGitude classique, cela me rassure pleinement. Je me pencherai sérieusement sur la question à une prochaine session shopping.

    • Petitsruisseauxgrandesrivières

      Connais-tu beaucoup de femmes qui n’aiment pas le shopping ? Même chez Picard, j’adore.

Je suis sûre que tu as plein de choses à me dire :

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