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Les enfants sont-ils des parasites ?

Vendredi soir, les deux plus jeunes étant au bain, j’en profitais pour siroter une bière bien fraîche, avec une petite rondelle de citron dedans. (Non, je n’ai pas peur qu’ils se noient. Non, je ne suis pas inconsciente. Non, je ne suis pas alcoolique). Primo, parce que je l’avais bien mérité ; Deuzio, parce que c’était vendredi et qu’il fallait fêter ça.
Des gazouillis joyeux parvenaient de temps en temps à mes oreilles ; aussi, pleinement rassurée, j’appliquais le principe « carpe diem et bibe cervesam ».

Soudain, le volume sonore commença à monter parmi les clapotis. « Ma chérie, » dis-je à ma grande, « peux-tu aller voir ce que font tes frères ? » Quelques instants plus tard, des hurlements s’élevèrent et j’identifiais que mon aînée manifestait un fort mécontentement.

A regret, je posais ma bière et allais voir quelle était la situation : le plus jeune, le terrible rebelle dont j’ai déjà parlé, avait entrepris d’écoper frénétiquement la baignoire. Cela dégoulinait un peu partout, il y en avait même dans le placard et le stock de couches baignait dans un fond d’eau savonneuse. Rien de bien grave en somme, la routine. Rien qui justifiât que je finisse ma bière tiédasse. « Je te laisse gérer, ma chérie » dis-je à ma grande qui épongeait déjà, et je m’en retournais méditer sur la buée fraîche qui opacifiait mon verre.

Bien sûr, mon cœur de mère me poussait à reposer mon verre sur la table pour courir, glousser et agiter mes ailes autour de mes poussins, mais mon esprit reprit le contrôle et me dit : « Non, fiche-leur la paix. Ils se débrouilleront sans toi, quoi qu’il t’en coûte. » Je me contraignis à m’asseoir dans un bon fauteuil, et me forçais à boire ma bière fraîche. Je poussai même le sacrifice jusqu’à grignoter – rapidement, avant qu’ils ne s’en aperçoivent – quelques cacahuètes et autres crounchs apéros.

Tout ceci me remémorait un excellent article lu dans Le Monde en 2015, que j’avais décidé de mettre en pratique, Les enfants, premiers de corvée, sous-titré « Confier les tâches ménagères aux petits serait bénéfique pour leur futur, pourtant les parents les en dispensent souvent. »

En effet…

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« Mamaaaaaaaan ! Mamaaaaaaaan ! Mamaaaaaaaan ! »

Entends-je à longueur d’année.

« Mets-moi mes chaussures ! »

«  Viens m’essuyer ! »

«  J’ai faim ! »

« À boire ! »

«  Viens jouer avec moi ! »

« J’arrive pas à mettre mon slip ! »

«  Encore une histoire ! »

«  J’ai pas envie de ranger mes jouets ! »

« Tiens moi la main et pète-toi le dos pour me faire des caresses pour que je m’endorme !  Sinon je pleure très très très fort et tu le regretteras, car je te péterai aussi les tympans ! »

Ce à quoi, au tréfonds de moi-même, je leur réponds virtuellement :

« Hé ho là, les nains, on se calme ! Vous vous croyez dans Downtown Abbey ou quoi ? Toi, la sangsue mâtinée de ténia, as-tu capté dans ta petite tête que tu es né il y a déjà presque 4 ans, et que toi et moi sommes deux entités distinctes ? Non mais. »

« Quoi, microbe ? Si tu t’imagines m’attendrir en te dandinant avec ton gros bidon dans ton pyjama à pieds, tu… n’as pas tort. Mais bon, je n’entrave rien à ce que tu baragouines. Enlève ta tétine et essaye d’articuler et de structurer tes phrases : Sujet, verbe, complément. Quoi ? Tu as deux ans, et alors ? Ce n’est pas une excuse. »

Notez que ce n’est pas forcément parce que les enfants grandissent que cela s’arrange.

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« Mamaaaaaaaan ! Est-ce que tu as vu mon pantalon jaune slim ? »

« Oui, bien sûr ma chérie, il est allé tout seul sur ses petites pattes sauter dans la machine à laver, et juste avant de fermer le hublot, hop ! Il a appuyé sur le bouton pour la mettre en route ! »

« Eh bien non, il doit être quelque part dans ta chambre, voyons… ne serait-il pas sous ce tas de linge qui moisit dans le coin de ta chambre, par hasard ? »

**********

« Ta viande est dure à couper mon grand ? Je comprends ton désarroi. Mais je te suggère d’envisager de te servir de tes DEUX mains. En MÊME temps. Tu verras, c’est vachement pratique. »

« Sinon je peux aussi la manger pour toi, espèce d’empoté ? Cela t’évitera la fatigue de la mastication et de la digestion. »

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Voilà, même si on/je les adore, il faut reconnaître qu’ils sont plutôt du genre relou, nos gamins. Et que parfois, on les passerait volontiers à la moulinette.

En même temps (pour parler macroniste), c’est bien un peu de notre faute. Nous sommes tellement pressés le matin, que c’est beaucoup plus rapide d’habiller les petits en un tour de main, que de les laisser lutter avec leurs chaussettes. Nous sommes tellement speed le soir, que c’est infiniment plus efficace de mettre le couvert soi-même, que d’attendre que les grands, à la vitesse d’un escargot hypotendu, arrivent de leur chambre – située très très très loin, là-bas, au fond du couloir.

Deux constatations majeures ressortent de cet article :

1/ que « Plus que leur mode d’éducation ou leur QI, la participation des enfants à des tâches domestiques à l’âge de 3 ou 4 ans s’avérait le critère le plus pertinent pour déterminer leur réussite plus tard – définie par de meilleures relations avec leurs proches, de meilleurs résultats scolaires et l’indépendance économique. »

2/ et que « D’une aide domestique dans quasiment toutes les sociétés traditionnelles, l’enfant est devenu un parasite. Les enfants occidentaux sont protégés du besoin de travailler. Ils n’ont pas de corvées à réaliser, et même la maintenance de leur espace domestique et de leurs possessions leur a été retirée. »

Les parents sont les cibles d’injonctions multiples :

  • Réussir sa vie de famille
  • Avoir des enfants épanouis scolairement et socialement et donc consacrer du temps à leurs activités
  • Donner le meilleur à ses enfants car comme ils n’ont pas demandé à venir au monde, on leur doit tout et ils ne nous doivent rien
  • Ne pas reproduire des schémas parentaux passéistes, éviter l’autoritarisme

Et s’épuisent donc à faire tout, et plus que tout, pour leur progéniture.

Mais nous ne les aidons pas, bien au contraire. Nous les maintenons dans l’immaturité et l’illusion de la toute-puissance des très jeunes enfants. La chute est d’autant plus rude quand ils deviennent adultes et se confrontent au monde, pas forcément aussi câlin que les parents.

Les laisser grandir et expérimenter, c’est accepter que les choses soient faites lentement, et/ou pas parfaitement, et parfois à contrecœur et en râlant. Ce qui, pour des parents perfectionnistes et/ou pressés, n’est pas simple.

Donc oui, comme j’essaye d’être une bonne mère, et que je ne veux surtout pas que mes enfants deviennent des précaires sociopathes aigris, j’ai décidé une fois pour toutes de ne pas m’interrompre -ou le moins possible- quand je bois une bière, le vendredi soir.

 À votre santé !

 

Et les copines, elles en disent quoi ?

Virginie de Neleditesapersonne : Mon patron

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Il faut absolument que tout le monde le sache ! je partage :

8 commentaires

Je suis sûre que tu as plein de choses à me dire :

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